Editorial
Par Luis Izcovich – La passe aujourd’hui
Est-il possible de disjoindre les positions prises par Lacan dans la théorie, de ses choix institutionnels ? Y aurait-il un Lacan psychanalyste et un autre de la politique de la psychanalyse ? Notre École a fait, dès son démarrage, le choix de la passe en répondant par là que l’option de Lacan en psychanalyse exclut le morcellement de son œuvre. C’est ce que certains groupes lacaniens ont fait en disant par exemple oui à la théorie de Lacan, mais à condition de laisser hors de celle-ci la passe.
Mais encore faut-il aussi noter qu’il existe des modalités d’opter pour la passe. Qu’une institution admette la passe, mais pas la nomination du passant – ce qui n’est pas une hypothèse mais une réalité effective – n’est pas sans conséquence. C’est un réel qui est escamoté, celui d’un nom propre : s’agit-il d’une phobie du nom ?
Qu’une autre institution introduise la passe mais sans connecter la nomination d’AE à une École n’est pas non plus sans conséquences. Ce qui est ici privilégié est la passe comme dispositif de promotion de passants. Ces ques- tions mériteraient d’être approfondies.
Notre École a fait un choix fondamental suivant l’option introduite par Lacan dès sa proposition d’octobre 1967, celle d’une passe pouvant aboutir à une nomination et dont les conséquences puissent se répercuter dans notre communauté d’École.
C’est ce qui justifie donc qu’on parle de la passe aujourd’hui. Premièrement pour indiquer l’actualité de la proposition d’octobre 1967 et ce qui a changé par rapport à ce moment. Deuxièmement pour évoquer notre contexte d’École et ce qui peut nous ressembler ou distinguer d’autres institutions dites lacaniennes. Quelle est notre actualité ? Il me semble qu’on peut avancer que depuis janvier 2007, moment de permutation du CIG (collège international de la garantie) et de la réunion des membres de ce collège avec ceux des collèges précédents, un tournant s’est opéré dans notre École. Tout d’abord dans notre volonté que la passe soit véritablement au cœur de notre orientation. Ceci se traduit par l’initiative de la première Journée Européenne qui aura lieu au mois d’octobre sur la passe, à Paris. D’autres initiatives ont été déjà prises ailleurs en Europe et aussi en Amérique latine. C’est la preuve que notre discours autour d’une École internationale n’est pas une pure velléité.
Plus radicalement un changement a été proposé dans le fonctionnement des cartels de la passe. Comme il a été évoqué dans le compte-rendu de cette réunion, des personnes ayant participé aux cartels poursuivront l’expérience dans un travail d’élaboration. Il s’agit en effet de rendre compte à la communauté que les cartels de la passe n’ont pas du cartel seulement l’intitulé, mais qu’un travail d’élaboration est souhaitable et possible en distinguant ainsi le Jury du cartel de la passe. En ce qui concerne l’actuel CIG, nous avons procédé à la constitution des cartels qui vont fonctionner de façon stable pendant les deux ans où nous serons en place. Ceci est la conséquence aussi de notre position à l’égard de la passe : privilégier la sériation de l’expérience et l’élaboration de résultats, au-delà de la fonction de jugement. Tout cela pourtant ne dit rien sur les attentes du cartel de la passe. Mais, est-il possible de dire que le cartel a des attentes ? Je le pense et j’ose dire qu’il existe un désir dans un cartel de la passe qui inclut le désir de savoir mais ne se limite pas à lui. Pourquoi ne pas dire qu’il existe aussi un désir de nomination ? Ceci ne veut pas dire que tous les passants seront nommés. Un désir de nomination veut par exemple dire que le cartel ne doit pas être à la recherche de la perle rare qui démontre les assertions théoriques de Lacan sur la fin de l’analyse. Notre Journée d’Octobre, en mettant l’accent sur la demande de passe, sera sans doute l’occasion d’articuler la passe au moment du passage à l’analyste alors que la conception de la passe connectée à la fin de l’analyse reste encore très présente dans notre doxa. Assumons la dimension de pari d’un désir dans la nomination plutôt que de considérer celle-ci comme l’attestation d’un parcours. Faire le choix du pari veut dire à mon avis, ne pas attendre l’après-coup de ce désir. Ce numéro du Mensuel spécialement centré sur ces questions constitue le lancement de ce débat qui concerne les membres de notre École et bien au-delà.
Textes pour introduire la journée de l’EPFCL du 6 octobre 2007 sur la passe
Editorial – Luis Izcovich – La passe aujourd’hui.
Sol Aparicio – Faire le pas de la passe.
Michel Bousseyroux – La passe de Lacan.
Dominique Fingerman – Le moment de la passe.
Frédéric Pellion – Quelques conséquences psychiques
de la différence entre nomination et non nomination.
Eliane Pamart – L’objet du transfert.
Colette Soler – Du transfert vers l’inconscient autre. (Séminaire d’École)
Introduction aux journées de l’EPFCL de décembre 2007
L’identité en question dans la psychanalyse
Claude Léger – Note 5 : L’identité de la psychanalyse.
Chroniques
Claude Léger – Des nouvelles de l’« immonde» 6 :
D’un livre qu’on n’a pas lu.