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De nos antécédents, suivi de L’agressivité en psychanalyse (édition bilingue français-grec)

Trente ans des travaux, depuis 1936, ont été publiés en 1966 dans le recueil des Écrits de J. Lacan.
Il ne s’agit pas d’un simple recueil mais d’un livre recomposé en sept parties ponctuées parfois par des présentations nouvellement rédigées :
– Ouverture de ce recueil,
– De nos antécédents,
– Du sujet enfin en question,
– D’un dessin,
– D’un syllabaire après-coup.
Ce sont des articles qui marquent l’évolution progressive de la pensée lacanienne. Avec le texte « De nos antécédents », Lacan lui-même trouve l’occasion de scander une rétrospective de son propre cheminement jusqu’au moment de l’édition.

Zoé Frangopoulos, Février 2008

Préface de « L’agressivité en psychanalyse »

Ce texte de Lacan qui reprend le rapport théorique présenté au XI Congrès des psychanalystes en 1948 appartient à ce qu’on peut désigner comme le premier Lacan. Cette appellation désigne ses premiers travaux comme psychanalyste sachant que pendant la guerre entre 1939 et 1945 il s’est abstenu de publier. L’intérêt pourtant de ce texte est loin d’être seulement historique. Bien que l’armature essentielle de ce qui fonde son enseignement commence à partir de celui qui a été appelé comme le Premier rapport de Rome et qui a eu lieu en 1953, nous pouvons remarquer qu’un certain nombre de notions constituent les prémisses de ce qui sera plus tard le noyau de son élaboration.
Ainsi le texte « L’agressivité en psychanalyse », se propose de rendre compte en cinq thèses de ce qui fait la spécificité de l’agressivité à partir de l’expérience analytique. Et d’emblée, dès la première thèse, Lacan introduit la notion de sujet. Ce n’est pas encore le sujet tel qu’il définira plus tard à partir du signifiant, car cette catégorie fait son apparition seulement en 1953. Néanmoins, Lacan a recours à la notion de sujet pour situer la spécificité de la psychanalyse par rapport à la science.
La deuxième thèse qui porte sur l’intention agressive dans ses rapports à l’efficacité de l’image inclut une autre prémisse fondamentale. En effet, comment ne pas voir dans le terme d’Imago ce qui préfigure la structure du signifiant ? Car l’Imago n’est pas juste une image mais elle est aussi formatrice de l’identification et surtout le ressort qui détermine la fonction du sujet. C’est ainsi que l’Imago du corps morcelé est, suivant la proposition dans Le Stade du miroir, d’un caractère structural. Autrement dit, Lacan explore la distinction entre une dimension imaginaire et une dimension symbolique dans l’agressivité.
La troisième thèse porte sur les bénéfices mais aussi les limites du dialogue. Comment ne pas voir les prémisses d’une conception de l’expérience analytique qui ne la limite pas à l’élaboration symbolique ? Autrement dit, en abordant dans cette thèse, comment l’action de l’analyste peut induire l’agressivité de l’analysant, la fureur qui peut se déchaîner ou la réaction thérapeutique négative indiquée par Freud, Lacan, n’est-il pas en train d’anticiper la catégorie de réel ? De même, en abordant l’agressivité dans une perspective de clinique différentielle à savoir dans ses rapports aux différentes structures cliniques, cette thèse permet de montrer ce qui sera une constante dans l’enseignement de Lacan : comment chaque concept s’articule dans la structure et se distingue suivant les formes cliniques.
La quatrième thèse souligne un « carrefour structural », l’identification primordiale du sujet à la Gestalt visuelle de son propre corps ce qui est fondateur de la matrice d’agressivité. Cette matrice résulte de la passion qui spécifie l’être humain à savoir, l’aliénation à l’image de l’autre, ce qui est à la base de ce que Lacan désigne ici comme la structure paranoïaque du moi. Si l’agressivité trouve comme ressort fondamental le narcissisme et les modalités propres de sa constitution chez le sujet, Lacan ne néglige pas l’exploration de ce qui peut transcender cette agressivité. A nouveau, le recours est au concept d’Imago dans ses rapports à l’Œdipe et l’exemple majeur est celui de l’identification secondaire résultat de l’introjection de l’Imago du parent du même sexe. Encore une préfiguration de la métaphore paternelle et de la pacification induite par l’incorporation du signifiant Nom-du-Père.
Finalement la cinquième thèse reste d’une actualité patente. En abordant la prééminence de l’agressivité dans la civilisation Lacan renouvelle le texte de Freud « Malaise dans la civilisation », et construit les bases d’une option dans la psychanalyse. En effet, Lacan prend en considération la pulsion de mort dans la structure du sujet sans la réduire à une pulsion agressive comme l’avait faite Mélanie Klein à qui par ailleurs il rend hommage.
On peut donc déjà s’apercevoir, dès ce texte, que cette option implique un retour à Freud et une critique aux déviations post-freudiennes.

Luis Izcovich, Octobre 2007