Lettre à Mr Xavier Bertrand, Ministre de la Santé

Paris, le 10 mars 2006 

Luis Izcovich,
Président de l’EPFCL

A

Monsieur Xavier Bertrand,
Ministre de la Santé Ministère de la Santé et des Solidarités
14 avenue Duquesne 75007 PARIS

Objet : Décret d’application de l’article 52 de la Loi de Santé publique

Pièce jointe : Lettre à Mr. Basset du 6 février 2006

Monsieur le Ministre,

Suite aux deux réunions de concertation que nous avons eues avec Mr. Basset concernant la rédaction des décrets d’application de l’article 52 de la Loi de Santé publique, portant sur l’usage du titre de psychothérapeute, notre association, qui est représentée au Groupe de contact, tient à vous faire part des remarques suivantes :

1/ Ce décret consiste à créer, si ces nouveaux « Mastères » étaient mis en place, une nouvelle profession. Ces nouveaux professionnels ne pourront présenter la même rigueur de formation que celle qui est délivrée actuellement par les départements de psychopathologie clinique pour les psychologues et par le diplôme de psychiatrie pour les médecins. De surcroît, aucune formation universitaire, théorique et pratique, par des stages, ne peut se substituer à la formation personnelle en psychothérapie, en particulier celle que demande la psychanalyse, dont la « psychothérapie analytique » est une des applications possibles.

2/ Concernant les rédactions de l’article 2 II et de l’article 8, la très grande majorité des professionnels concernés est opposée à l’actuelle rédaction. En effet, la « validation scientifique » à laquelle elles se réfèrent explicitement est hautement contestable, pour de nombreuses raisons, en particulier :

– Les sciences de la relation, a fortiori de la relation psychothérapeutique, ne peuvent répondre aux critères de définition de la science expérimentale. Ainsi, il n’est pas possible de se référer au modèle de la grippe aviaire comme l’a fait Mr. Basset lors de la réunion du 21 février pour justifier l’intervention de l’Administration dans un débat qui est loin d’être clos d’une part et qui d’autre part est du ressort des regroupements de spécialistes et de l’Université.

– Nous croyons utile de vous rappeler que l’appellation « scientifique » a souvent servi à justifier des choix hautement contestables, non seulement dans le passé mais encore tout récemment. Par exemple, dans la dite affaire d’Outreau, le Procureur, Mr. Lesigne, a pris appui sur les expertises pour étayer sa conviction concernant la véracité des faits, alors même que les parti pris des experts désignés était déjà à cette époque l’objet d’un débat, qui est toujours vif, dans la communauté des professionnels

3/ Beaucoup de nos collègues argumenteront auprès de vous dans le même sens, tant cette question nous paraît essentielle pour préserver l’espace de liberté sans lequel il n’est ni recherche féconde, ni accès possible pour le sujet contemporain toujours plus isolé et en quête d’interlocuteurs à ces dimensions essentielles de l’existence que sont la vérité et la reconnaissance.

Aussi, pour conclure, nous vous demandons de supprimer les références aux types de psychothérapies dans ces articles 2 et 8.

Nous vous proposons:

– Article 2, II, alinéa 3, la formulation suivante : « Une déclaration sur l’honneur faisant état des formations et des pratiques dans le champ des psychothérapies. »

– Article 8, concernant le cahier des charges, qui définit les modalités de la formation en psychopathologie clinique, afin de permettre au professionnel souhaitant user du titre de psychothérapeute « d’acquérir une connaissance des diverses théories du fonctionnement psychique et une capacité de discrimination de base des situations pathologiques en santé mentale, » nous proposons d’ajouter cette précision : « il correspond à celui définissant les masters professionnels en psychologie clinique et en psychopathologie clinique. Le contenu théorique et pratique des formations en psychopathologie est défini suivant les modalités quadriennales habituelles d’habilitation des cursus de formation de la discipline, qui, seules, permettent de suivre les évolutions des théories et des pratiques du champ de la psychopathologie. »

Avec l’assurance, Monsieur le Ministre, de notre haute considération,

Luis Izcovich

Copies à :

– Madame Claire Legras, Hôtel Matignon.
– Madame Marie-Claire Carrère-Gée, Présidence de la République.
– Monsieur le Dr Basset