L’objet a de Lacan. Incidences cliniques, conséquences techniques.
L’objet a de Lacan
La psychanalyse est freudienne ou elle n’est pas. Elle tient sa consistance des textes de Freud, découvreur de l’inconscient et de ses voies, et lui doit l’invention du dispositif de la cure, au moyen duquel elle opère. Concluant l’un de ses derniers écrits, Freud dressait en 1937 le constat d’une butée contre laquelle se heurtaient les analyses. Il l’a désignée du terme de « roc de la castration ». L’objet a de Lacan, considéré par lui comme sa seule invention, est à situer en ce point où la pratique de Freud s’est arrêtée. « Le roc, c’est le a » 1, dira-t-il. Liée à la nécessité de penser et de pouvoir rendre compte du dénouement des analyses, cette invention a pour conséquence une révision complète de leur déroulement. Notons à ce propos qu’avant d’en venir à démontrer comment le psychanalyste « se fait produire » avec l’objet a 2 , Lacan l’avait évoqué comme ce dont il doit savoir tenir compte dans le maniement du transfert. Le début de son enseignement, consacré à une « reprise du projet freudien », vise la rectification non seulement d’une « théorisation boiteuse » de l’expérience analytique, centrée sur le rapport à la réalité 3, mais aussi des « fléchissements » qu’induit dans la pratique l’absence d’une théorie du désir 4. L’invention de l’objet a s’ensuit. Contemporaine de son exclusion de l’IPA, elle s’annonce dès 1960, date des séminaires sur L’Éthique et Le transfert, dans la poursuite d’une critique de la notion de « relation d’objet » au profit d’une réflexion sur le statut qu’il convient d’accorder à la Chose freudienne. Mais cette invention ne s’achève que plus tard. En fait, elle se poursuit plutôt, avec la définition de la consistance logique de l’objet, puis la mise en évidence de sa fonction de plus de jouir dans le discours, et son repérage topologique dans le nœud borroméen. L’introduction de l’objet a est le résultat d’une très longue élaboration de Lacan, au cours de laquelle ce a privatif désigne, à chaque étape, un terme indéniable de l’expérience. Quel est donc l’objet en jeu dans une analyse ? C’est la cause du désir, répond Lacan, en renversant la perspective habituelle qui pense l’objet comme visée. Cette cause, reste de la constitution du sujet, jouissance à jamais perdue, est un manque impossible à dire. C’est un manque où viennent se loger les objets de la pulsion, où la jouissance se condense et que l’image spéculaire recouvre. Dans le fantasme, où il a pour fonction de soutenir le désir du sujet, l’objet a constitue son secret partenaire libidinal. De là se déduit la place assignée à l’analyste dans la formalisation du discours analytique que Lacan a dégagée. L’analyste « doit devenir » et « faire advenir » l’objet 5. Car ce n’est qu’en occupant cette position qu’il pourra désincarner l’idéal dont l’amour de transfert le revêt. Ce n’est que de cette place qu’il pourra se prêter à être inclus dans le symptôme. Et amener l’analysant jusqu’au point où celui-ci peut faire le pas de s’en séparer et de conclure, en se délestant de ce qu’il ne se savait pas être au départ. L’objet dont il n’y a pas d’idée, qui n’a pas plus d’être que de représentation, est opérant dans le réel 6. Seule l’angoisse du sujet fait signe de sa présence indicible, alors que dans les dits de la demande s’indiquent les formes, empruntées au corps, où il s’incarne : orale, anale, scopique, invoquante. Parmi ces quatre « substances épisodiques » de l’objet 7, deux s’en trouvent inversement privilégiées dans l’expérience analytique : le regard, auquel on est soustrait, et la voix, sans laquelle il n’y a pas de parole. Lacan le fait valoir en conceptualisant avec le désir de l’analyste, l’implication de celui-ci dans le dispositif freudien dont il a ainsi extrait la structure de discours. Après une année de séminaire consacrée à « L’objet a dans la psychanalyse et dans la civilisation », les Journées des 18 et 19 novembre prochains convoquent l’École de Psychanalyse des Forums du Champ Lacanien à une mise au travail autour d’un thème, qui nous concerne et nous engage spécifiquement en tant qu’analystes formés dans l’enseignement de Lacan. S.A.
- 1. Lacan J. Le Séminaire, Livre X, L’angoisse, leçon du 16/01/63, Paris, Seuil 2004
- 2. Lacan J., « L’acte psychanalytique » (1969), Autres écrits, Seuil, Paris, 2001
- 3. Lacan J., Le Séminaire, Livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse. Seuil, Paris: 1973
- 4. Lacan J., « L’objet de la psychanalyse » ( 1966). Autres écrits, op. cit.
- 5. Lacan J., Séminaire « Les non dupes errent » (inédit). 9/04/74
- 6. Lacan J., « La troisième » (conférence inédite). 1/11/74.
- 7. Lacan J., « Note italienne » (1974), Autres écrits, op.cit.
Programme
Matin
9h00 – Accueil
9h30 Introduction : Sol Aparicio
9h45-11h45 Présidence : Anne Lopez
Jean-Jacques Gorog : Quel gain du fantasme freudien à l’objet a ?
Anne Meunier : Transition de l’objet
Discussion
11h30-13h Présidence : Sidi Askofaré
Marie-José Latour : Des objets à l’objet
Marc Strauss : D’un manque l’autre
Discussion
Après-midi, salles multiples
Amphithéâtre Bordeaux
14h30-16h Présidence : Jean-Pierre Drapier
Richard Vuagniaux : Grammaire de l’objet
Maria-Vitoria Bittencourt : L’enfant : quel intérêt privilégié ?
Discussion
16h15-17h45 Présidence : Jacques Tréhot
Marie Olmucci : Dans la passe de l’objet
Jean-Claude Coste : Les aventuriers de l’objet perdu
Discussion
Salle 341
14h30-16h Présidence : Claudette Damas
Frédéric Pellion : Objet a et privation
Guillermo Rubio : Le plus de jouir
Discussion
16h15-17h45 Présidence : Colette Chouraqui-Sepel
Freddy Doussot : L’objet de la séparation
Marcel Ventura : Du vide au manque
Discussion
Salle 342 B
14h30-16h Présidence : Nicole Bousseyroux
Serge Bruckmann : Psychose et objet-déchet
Géraldine Philippe : Le sujet prend sa référence de l’objet a
Discussion
16h15-17h45 Présidence : Patrick Valas
François Carron : L’objet a et le désir de l’analyste
Bernard Lapinalie : La commune mesure lacanienne et le traitement des psychoses
Discussion
DIMANCHE 19 NOVEMBRE
Matin
9h45-11h15 Présidence : Stéphanie Gilet-LeBon
Christian Demoulin : Face aux ténèbres
Bernard Nominé : Une voix s’incorpore
Discussion
11h30-13h Présidence : Michel Bousseyroux
Élisabeth Léturgie : Une absence de regard et de voix ?
Françoise Josselin : Le savoir de l’amour
Discussion
15h-16h30 Présidence : Luis Izcovich
Claire Harmand : Tout tourne autour de l’objet a
Colette Soler : L’objet a, ses usages
Discussion
16h30 Conclusion : Martine Menès