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Mensuel 185 – Mars 2025

  • Éditeur : EPFCL-France
  • Parution : 03/2025
Mensuel185

Édito

Cher « lecteur, – mon semblable, – mon frère ». Il faut d’abord te décevoir : aucune Révélation n’est à attendre de ces textes. L’illumination par la parole créatrice n’est promise que par d’autres écritures…

Ces termes-ci sont ceux avec lesquels Lacan rappelle, à la toute fin de son enseignement, que la pente générale de la parole, aussi douce soit-elle, ne va résolument pas vers la « lumière ». Ce que « l’inconscient démontre est tout autre chose, à savoir que la parole est obscurantiste ». En quoi, c’est sa vertu, elle nous protège de l’insupportable transparence bêtement portée aux nues par notre époque aveuglée par l’idéal scientiste. Il y a bien pourtant un « éclairage » à légitimement attendre de la lecture de nos collègues. Seulement, il s’agit d’en être averti : il s’obtient toujours à contrepente. Il en va, dans toute tentative de transmission de la psychanalyse, d’un perpétuel effort pour dissiper l’épaisseur du malentendu (que, ce faisant, usant de la parole, elle nourrit). Échec annoncé, irrémédiable. Reste qu’en témoigner fait le cœur de notre École.

Alors, quelle satisfaction trouvons-nous pourtant dans cette lecture mensuelle, qu’elle soit appliquée, voire studieuse, parcellaire ou de rapide survol ? Qu’est-ce qui motive cet attachement indéfectible à notre – affectueusement et ironiquement surnommé – « petit livre rouge » ?

M’est revenu, en relisant ce passage de Dissolution, un souvenir d’enfance, celui d’une jubilation provoquée par une trouvaille : l’effet modestement spectaculaire de trous d’épingle pratiqués dans un papier Canson noir, ensuite placé devant une ampoule électrique. Dans mes petites mains l’immensité d’un ciel constellé d’étoiles vibrantes plus vraies que nature… mais aussi autre chose : la violence insoutenable de l’ampoule disparue derrière le papier et remplacée par le vacillement si plaisant de ses frêles rayons qui semblent surgir, atténués, de l’opacité elle-même.

« Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement », telle est notre condition. Et Lacan d’ajouter qu’il convient de ne pas confondre « les luminaires ». Il poursuit à propos « de ces lucioles qu’on appelle des étoiles. Les étoiles ne donnent pas beaucoup de lumière. C’est pourtant d’elles que les hommes se sont éclairés, ce qui leur a permis de percer le bonheur qu’ils éprouvent de la nuit transparente ». Ils s’en sont éclairés, et orientés, comme nous le faisons sans doute des textes du Mensuel, de la constellation Mensuellement retracée de nos percées de pointes d’épingle.

Alors, je ne ferai pas la liste ici des remerciements aux collègues qui ont œuvré ce mois-ci à ces forages singuliers dans l’opacité commune. Vous aurez, je l’espère, autant de plaisir à découvrir ces lucioles que nous en avons eu à préparer ce numéro. Pas de grands coups de projecteur… Non, je les préfère, ces remerciements, une fois n’est pas coutume, collectifs, pour saluer surtout la valeur de cette œuvre d’École au regard des périls de notre époque.

Dans nos services de soins comme partout, l’inquiétude grandit que « les étoiles ne s’éteignent » et que, comme Lacan poursuit ici, si « l’obsc urant isme propre à la parole se redouble de la croyance à la Révélation […] se triple de philanthropie, et se quadruple de progressisme, [ce soit] nuit noire ».

Ce dont témoigne si précieusement notre Mensuel, comme cela a aussi été souligné lors de nos dernières Journées nationales sur la pulsion de mort, est de la présence maintenue de la psychanalyse Pourtant. Nous ne sommes d’ailleurs pas seuls à en prendre acte et nombreux sont les témoignages « d’une attention renouvelée », comme le titrent Les Inrocks ce mois-ci, à la psychanalyse et ses « ressources politiques subversives ».

Alors oui, pour l’heure, il semble que ça tient le coup. Les luminaires nocturnes tiennent leur place dans un ciel qui ne nous est pas encore tombé sur la tête. Profitons-en pour lire !

Jérôme Vammalle

Édito

  • p. 3-4 Édito

Séminaire École
J. Lacan, D’un discours qui ne serait pas du semblant
Séance du 19 mai 1971

  • p. 6-13 Didier Castanet
  • p. 14-23 Colette Soler

Fragment

  • p. 25 Le choix de Constanza Lobos

Espace AE
« Penser la psychanalyse, pour quoi faire ? »

  • p. 27-34 Dimitra Kolonia
  • p. 35-42 Christelle Suc

Questions d’École

  • p. 44-54 Quelles fins pour l’analyse ? Anastasia Tzavidopoulou

IVe Convention européenne de l’Internationale des Forums
« Le symptôme dans la psychanalyse », Venise, 12-14 juillet 2025
Journées de l’IF, « Le symptôme dans la psychanalyse »
Préambule

  • p. 56-57 Le dire du symptôme… Paola Malquori

XIIIe Rendez-vous international de l’IF-EPFCL
« L’éthique de la psychanalyse et les autres »
São Paulo, Brésil, 23-26 juillet 2026

  • p. 59-61 Argument Colette Soler

Le désir dans tous ses états

  • p. 63-69 Du mariage des antagonismes… Jean-Paul Montel

Séminaire Champ lacanien

  • p. 71-80 Rencontre avec François Azouvi

Brève

  • p. 82-83 À propos de L’Époque des traumatismes, de Colette Soler Hélène de Lima Dutériez

Marginalia

  • p. 85-87 De ces silhouettes qui font la même ombre que les choses réelles Marie-José Latour
  • p. 89 Bulletin d’abonnement