2019-2020 – Séminaire École – Actualité de la névrose
Organisé par le conseil d’orientation (CO) et le conseil de direction (CD) de l’EPFCL-France
à 21h15, au 118, rue d’Assas – 75006 Paris
Actualité de la névrose
Le thème de cette année aborde une catégorie clinique, la névrose, à la lumière de notre expérience actuelle. C’est un fait que la psychanalyse a été fondée à partir de la névrose, l’hystérie au départ, puis la névrose obsessionnelle et la phobie.
Lacan a maintenu les lignes directrices dégagées par Freud tout en constatant un changement dans la clinique au point de s’interroger : « Où sont-elles passées les hystériques de jadis, ces femmes merveilleuses… qui permirent la naissance de la psychanalyse » ?
En effet, la clinique change et les formes du symptôme diffèrent de celles que Freud et Lacan ont rencontrées. Dès lors, qu’est-ce qui justifie encore l’usage du terme de névrose, qu’est-ce qu’il recouvre comme concept et à quelles conditions peut-il encore nous servir dans notre expérience clinique ? S’agit-il d’envisager la névrose seulement à partir de l’absence de phénomènes psychotiques ou de saisir quels seraient les phénomènes qui signeraient la structure ?
D’autre part, on ne peut pas aborder l’actualité sans explorer ce que sont devenues les références théoriques. Ainsi, plusieurs questions s’imposent : se justifie-t-il de substituer le terme de trouble à celui de névrose pour donner lieu par exemple aux troubles obsessionnels compulsifs ? Pouvons-nous faire un usage élargi du terme de phobie pour désigner certains phénomènes cliniques dans la psychose ? Plus largement : que devient la névrose de transfert, conçue par Freud comme « maladie artificielle » nécessaire à la guérison ? Puis, plus essentiellement, guérit-on de la névrose ?
Ce séminaire porte donc sur les questions fondamentales de la clinique analytique, les moments cruciaux de l’expérience et ce qu’on peut espérer d’une analyse.
Les membres peuvent écouter les enregistrements des séances en suivant le menu Audio qui apparait après s’être connecté avec son compte utilisateur personnel (Espace membre).
3 octobre 2019
1. Le diagnostic : pourquoi faire ?
Anne Lopez : « Savoir de la clinique et savoir faire »
La direction de la cure qui oriente l’acte analytique ne peut s’effectuer sans un préalable :
savoir la structure du sujet. Interroger notre savoir clinique pour poser un éventuel diagnostic oriente et orientera l’entrée ou non en analyse de chaque patient .
Bernard Nominé : « Fonction du psychanalyste dans le diagnostic »
Dans le cadre de la pratique psychiatrique, c’est banal de noter que le diagnostic dépend beaucoup du praticien. Cela a conduit la psychiatrie américaine à pallier ce manque d’objectivité en proposant un manuel diagnostic fondé sur des arguments statistiques. On a tout simplement éliminé la fonction du diagnostic de la pratique psychiatrique.
Lacan n’a pas encouragé les psychanalystes à se désintéresser de la question diagnostique, tout en considérant que la clinique psychanalytique devait s’affranchir de la clinique psychiatrique. Tout son enseignement témoigne du soin qu’il a mis à dégager des structures cliniques. Certes il a fait bouger les repères, notamment en fondant sa structure borroméenne. Mais cela n’en rend que plus nécessaire que l’analyste sache se repérer sur la place que l’analysant lui attribue dans sa structure.
Radu Turcanu : « Diagnosthic ou comment (se) planter (dans) le décor de la cure analytique »
Qui est-ce qui commence par être friand de diagnostics, teste ensuite des frayages à travers une torpeur bien ficelée et finit par dégager soudainement le vrai trou de la structure ?
Discutante : Françoise Josselin
7 novembre 2019
2. Formes nouvelles du symptôme
Anastasia Tzavidopoulou : « Le work in progress du symptôme »
Que les symptômes prennent des formes nouvelles correspondant au discours et la subjectivité de chaque époque est un fait que Freud avait lui-même repéré. Mais une manifestation symptomatique ne fait pas symptôme. Qu’en est-il donc de la forme du symptôme, de celui qu’on rencontre dans sa particularité et son intimité au cours d’une analyse, du début à la fin ?
Luis Izcovich : « Ce n’est pas ça »
Le « ce n’est pas ça », formule conclusive d’un sujet qui est néanmoins une attente d’autre chose, et le « ce n’est pas ça » de l’analyste, qui indique un horizon possible, laissent une chance pour la mise en forme du symptôme et pour décider entre les différents écarts ouverts par ces formulations lesquelles sont propres à la névrose de nos jours.
Nadine Cordova : « Point »
La formule « Les nouvelles formes du symptôme » ne renvoie-t-elle qu’aux effets de discours ? Quels que soient ses revêtements, les symptômes névrotiques ne réverbèrent-ils pas une forme du symptôme, toujours inédite ? A prendre forme au pied de la lettre ouvre au point où s’articule la vérité de la structure, son actualité.
Discutant : Armando Cote
5 décembre 2019
La séance est reportée au 5 mars 2020 pour cause de mouvements sociaux impactant les transports.
16 janvier 2020
4. Que sont devenues les névroses de transfert ?
Claire Parada : « Névroses de transfert versus névroses narcissiques, quelle actualité ? »
Que peut-on dire de cette distinction que Freud établit entre les névroses de transfert et les névroses narcissiques ? De quel transfert parle-t-il ? Est-ce à dire que dans les névroses narcissiques, qu’il appellera plus tard les psychoses, il n’y a pas de transfert possible ? Pourtant, ce n’est pas ce qu’il dit lui-même déjà en son temps, et ce n’est pas ce que l’on constate dans la clinique. On reviendra donc sur la conception de la constitution des névroses chez Freud pour tenter de saisir pourquoi il y accole le terme de transfert et son actualisation chez Lacan.
Sol Aparicio : « Narcissisme et personnalité »
Les névroses de transfert se raréfient-elles ? Si oui, peut-on attribuer cela à l’incidence du déclin social de la référence au Nom-du-Père ? Que nous dit la clinique ? On essaiera de rendre compte d’un certain nombre de cas, pour lesquels on serait tentés de réhabiliter la notion freudienne de névrose narcissique, en faisant appel aux remarques de Lacan au sujet de la personnalité.
Sidi Askofaré : « Le transfert à l’épreuve du narcissisme »
Il semblerait que du legs freudien, nous ayons davantage gardé le ternaire « névrose, psychose et perversion » que les oppositions « névroses actuelles / psychonévroses de défenses » ou « névroses de transfert / névroses narcissiques ». La question, « Que sont devenues les névroses de transfert ? », ne pose pas seulement l’actualité des formes prises aujourd’hui par l’hystérie, l’obsession ou la phobie ; elle reconduit à nouveaux frais, et sur le fonds des dits symptômes nouveaux ou contemporains, ce que nous appelons névrose, depuis Lacan, et les conditions de son analysabilité.
Wanda Dabrowski : « “L’irréductible névrose de transfert” et la fin de la cure ? »
Je partirai de cette question que Lacan pose dans la XXIe séance de son séminaire L’Angoisse. Irréductible n’est pas sans évoquer le réel de la répétition produite dans le transfert (le transfert n’est pas la répétition), mais aussi la fixation de jouissance au coeur du symptôme. La fin de cure s’avérant de passer de l’impuissance à l’impossible, et le transfert étant de « l’amour qui s’adresse au savoir », quel est le gain de savoir possible ?
Discutante : Natacha Vellut
6 février 2020
5. Guérit-on de la névrose ?
Colette Soler : Clinique actuelle de la névrose ?
S’il s’agit de la clinique psychanalytique, puisque des cliniques il y en a plusieurs, je demande : est-ce celle de l’époque dans laquelle bien des choses changent en effet, ou bien celle portée à ses dernières conséquences par les étapes ultimes de l’enseignement de Lacan dont nous tâchons de nous orienter ?
Patrick Barillot : Sur la névrose obsessionnelle
Passer d’une conception de l’inconscient langage à celle de l’inconscient réel, change t il le traitement de la névrose ? Réflexions sur la névrose obsessionnelle et à partir d’un cas.
Jean-Jacques Gorog : Des symptômes au symptôme
On peut guérir de bien des choses mais il y a une limite à ne pas dépasser sinon… On examinera les textes de Freud Constructions en analyse et analyse sans fin ou avec fin qui traitent de la question.
Discutante : Martine Menès
5 mars 2020
Séance initialement prévue le 5 décembre 2019
3. Troubles et symptômes
Dimitra Kolonia : S’identifier à son trouble ?
– TOC, TOC !
– Qui est là ?
Le sujet ou l’Autre ?
Irène Tu Ton : C’est le symptôme qui vient tout troubler
Ce titre est un propos de Freud. Je le questionnerai afin d’essayer de saisir ce qu’il en est des symptômes dans la névrose et tenterai de l’articuler aux développements de Lacan sur le symptôme, notamment à sa thèse sur sa singularité, ce qui en fait un signe distinctif du parlêtre au terme d’une cure.
Christophe Charles : Troubles et discours capitaliste : mêmes combats ?
Le symptôme de Freud et de Lacan est désormais gênant et souvent considéré comme une imposture. Il est remplacé par la notion fourre tout du « trouble », notion qui envahi tous les champs, médical, psychologique, social et pharmacologique.
Le trouble n’est ni à écouter, ni à entendre, encore moins à interpréter. Il est à rééduquer. C’est une clinique a-céphale, sans conflit psychique. Tout comme dans le discours capitaliste, le sujet y est réduit au statut d’objet et son désir (inconscient) y est nié.
Peut-on articuler cette clinique du trouble qui s’impose partout avec le développement tonitruant du discours capitaliste,discours dont Lacan disait qu’il « forclos la castration »? Clinique « des troubles » et discours capitaliste seraient ils du même bois dont se chaufferait un autre discours, celui dévoyé de la science au service d’une mise au pas du désir, à fin de normalisation ? Que répond le psychanalyste ?
Elizabeth Léturgie : D’un trouble qui unit à un symptôme qui sépare
C’est l’équivoque énoncée par Céleste à sa première séance qui produit un changement dans le trouble du sommeil qui unit mère et fille pour devenir symptôme avec des conséquences somatiques et un effet de séparation. La bande de Moebius nous éclairera sur cette opération.
Discutante : Patricia Dahan
14 mai 2020
7. La clinique borroméenne de la névrose
Muriel Mosconi : « Méditation sur le noeud à quatre »
Dans sa préface à l’exposition de François Rouan au musée Cantini de Marseille de juillet-septembre 1978, Lacan nous invite à méditer, avec les tableaux du peintre, sur les deux noeuds borroméens à quatre ronds et sur leurs mises en perspective dans l’espace. Quelles pourraient en être les conséquences ?
Michel Bousseyroux : « La noeuvrose de transfert »
La névrose dite par Freud de transfert, que crée l’analyse, y fait noeud. S’y resserre en effet le noeud de ce que l’analysant ressasse de sa relation à ses parents proches et qui fait, déplore Lacan (le 17 mai 1977), que « tout s’engloutit dans la parenté la plus plate ». Il s’agirait alors que l’analyse aide l’analysant à le desserrer, ce noeud, à l’assouplir. Mais comment ? Lacan avait son idée : « Pourquoi ne dirait-on pas qu’on est apparenté à part entière d’un pouâte ? »
Marc Strauss : « Anatomie borroméenne »
Le sujet est-il inclus dans l’unité corporelle du parlêtre ? Non. Son anatomie n’est pas celle de la Faculté, l’hystérique l’a montré et Freud l’a prise au mot. En retour, elle lui a livré la clé de son mystère, la place de l’amour du père dans le désir. Lacan en a déduit assez vite la nécessité d’un organe incorporel qui s’ajoute au corps, l’objet a. Mais pourquoi lui a-t-il fallu en passer par les noeuds borroméens et Joyce pour définir l’hystérie à partir du corps d’un autre ?
Discutant : Radu Turcanu
28 mai 2020
6. Notre pratique de l’interprétation
(séance initialement programmée le 2 avril)
Esther Morere Diderot : « L’interprétation, entre poétique et arme »
Nous allons aborder l’interprétation, opération essentielle de la cure, qui se situe entre arme et poétique, deux termes qui semblent être en contradiction et qui pourtant, comme nous le verrons, se croisent et se complètent.
Pascale Leray : « L’interprétation renouvelée »
Nous devons à Lacan d’avoir très tôt renouvelé la pratique de l’interprétation en la dégageant d’abord de la dérive des postfreudiens et leur pratique de l’interprétation conçue comme un métalangage. Lacan n’a cessé ensuite de renouveler la pratique de l’interprétation au fur et à mesure de l’avancée de son élaboration. En 1972, avec « L’étourdit », il renouvellera l’interprétation en tant que pratique du dire fondée sur ce réel qu’est l’impossible écriture du rapport sexuel.
Avec son séminaire Encore, Lacan aboutit à une thèse qui redéfinit l’inconscient comme savoir en tant qu’il se jouit. Cette réinvention n’est pas sans conséquences pour le dire qu’est l’interprétation analytique. De là mon propos pour cette intervention, à savoir la question de ce que cela change pour l’interprétation, dès lors qu’elle se doit de cibler dans la parole de l’analysant ce savoir joui au coeur du symptôme. Autrement dit, comment notre pratique de l’interprétation peut-elle parvenir à toucher au symptôme, en tant qu’il est jouissance irréductible, évènement de corps, savoir hors sens de lalangue ?
Jean Michel Arzur : « Plaider le faux »
« Il s’agit de plaider le faux dans l’interprétation. C’est justement comme falsa, disons bien tombée, qu’une interprétation opère d’être à côté. » Jacques Lacan, « Radiophonie », dans Autres écrits, Paris, Le Seuil, 2001, p. 428.
Karim Barkati : « Interprétation musicale, sémantique formelle et interprétation psychanalytique »
Une certaine pratique de l’interprétation, dans la psychanalyse, est essentielle. Mais il y a d’autres disciplines pour lesquelles la pratique de l’interprétation est essentielle. Alors la question se pose de savoir si notre pratique de l’interprétation se distingue fondamentalement des autres pratiques et si oui en quoi. Pour apporter des éléments de réponse à cette question, je vous propose deux excursions : l’une dans le champ de la musique, avec l’interprétation musicale, et l’autre dans le champ de l’informatique, avec les thérapeutes virtuels et la sémantique formelle. Ces excursions en dehors de notre champ nous permettront notamment d’identifier des traits communs et d’isoler plus nettement certaines spécificités de cette pratique de l’interprétation qui est la nôtre.
Discutante : Claire Duguet
4 juin 2020
8. Plaque tournante et névrose
Jean Pierre Drapier : Pas d’panique 2 ou l’efficace de la phobie
Surprise clinique: Madame H, phobique des virus depuis l’adolescence, n’a pas paniqué à l’occasion de la crise sanitaire récente et du confinement, mais au contraire a été apaisée. « C’est celui où se dévoile la vraie fonction de la phobie, qui est de substituer à l’objet de l’angoisse un signifiant qui fait peur, car, au regard de l’énigme de l’angoisse, la relation signalée de danger est rassurante. »(Lacan, leçon du 7/05/69 d’Un Autre à l’autre) La phobie étant donc à comprendre comme un achoppement de l’imaginaire, en rapport avec le corps, achoppement qui appelle une solution symbolique, peut-on faire l’hypothèse d’un soulagement par le réel ? Cela nous dit-il quelque chose sur la manière dont le corps y est impliqué ?
Dominique Marin : L’a-normalité névrotique ou la parole confinée
“Un sujet normal est essentiellement quelqu’un qui se met dans la position de ne pas prendre au sérieux la plus grande part de son discours intérieur” ainsi que le dit Lacan lors de son commentaire de la psychose du président Schreber décrite par Freud (Les psychoses, Paris, Seuil,1981, p. 140). Il en fait la ligne de démarcation entre l’aliéné et les prétendus normaux. La différence entre l’aliéné et nous, pour continuer avec Lacan, est que nous nous attribuons les pensées de ce discours intérieur. C’est la place du corps qui, me semble t-il, fait toute la différence. Est-ce que le confinement des corps que nous vivons peut nous enseigner sur ce point ? Inversement, est-ce que la psychanalyse peut en dire quelque chose de pertinent ?
Discutant : Luis Izcovich