Introduction
Par Cathy Barnier
Après avoir consacré dans les précédents numéros une large place aux textes préparatoires des journées nationales sur « L’identité en question dans la psychanalyse », qui furent tout à fait passionnantes, nous avons réservé pour ce numéro de janvier une place aux textes non encore publiés des interventions aux journées de novembre 2006 sur l’objet a, puisque, comme Claire Harmand intitule son texte, « tout tourne autour de l’objet a » dans la psychanalyse.
Claire Harmand, Anne Meunier et Marcel Ventura font chacun un parcours différent pour retracer les étapes, ponctuées de ruptures, dans l’élaboration de l’objet a par Lacan.
Dans leur genèse de la conceptualisation de l’objet a, Marcel Ventura et Anne Meunier s’intéressent à la notion d’intermédiaire.
Anne Meunier par le biais de l’objet transitionnel ébauché par W. Ronald Fairbairn, contemporain de Winnicott, et que ce dernier reprend pour désigner un espace intermédiaire de l’expérience entre une partie du corps et l’objet de transition. Cet objet, précurseur de l’objet a inventé par Lacan, est l’élément tiers faisant objection à la relation duelle mère-enfant.
Dans son propos sur l’objet a, Marcel Ventura s’attache à maintenir l’écart entre le vide et le manque et dans ce trajet fait un arrêt sur les échanges que Lacan eut avec François Cheng au cours desquels il étudia des textes chinois. Dans ces textes, les anciens Chinois évoquent le Vide originel d’où émane « l’haleine primordiale, le Un ». Cet Un se divise en deux haleines vitales, dualité au coeur de laquelle s’interpose un élément tiers, le Vide intermédiaire. Loin d’être un lieu neutre, ce Vide (ou souffle) intermédiaire soutient la différence autant que le contact, impulse l’échange entre les deux premières entités qui sans lui « resteraient figées dans une opposition stérile ».
Autre élément tiers, celui auquel s’adressait Joyce, à propos duquel Lacan, comme nous le fait remarquer Marc Strauss dans son texte « Joyce le symptôme », soulignait qu’au-delà de son écriture, ce qui lui importait était d’être publié et que c’était aux universitaires qu’il s’adressait en priorité. De l’objet a qui articule le vide au manque, nous passons donc à l’objet publié, dans ce texte où Marc Strauss interroge : pourquoi Joyce le symptôme ? À propos du symptôme, il précise qu’il a « ses limites de se nouer au corps, c’est-à-dire à l’imaginaire, de se nouer aussi au réel, et comme tiers à l’inconscient. Disons simplement comme commentaire que, s’il les noue, c’est qu’il est distinct d’eux, d’eux trois ». En lisant cette phrase je me suis souvenu de ce que Michel Bousseyroux, lors de la présentation du livre L’Aventure mathématique de Gabriel Lombardi à la maison de l’Amérique latine, disait, reprenant les élaborations de Gödel dont s’est servi Lacan sur l’inaccessibilité du deux qui impose un passage du deux au d’eux.
À propos de passage, on pourrait dire qu’une analyse viserait, à son point extrême, un être, au sens d’incarner un symptôme, après avoir eu un symptôme. On pourrait dire aussi être un symptôme ou se soutenir de son énigme. Mais pour cela, « il faut le temps », pour citer l’expression de Lacan, que nous reprendrons souvent cette année dans nos travaux préparatoires au rendez-vous de l’Internationale des Forums sur le thème : « Le temps du sujet de l’inconscient », dont nous publions deux textes préliminaires de Colette Soler et Dominique Fingermann. Le temps pour le sujet analysant d’extraire l’objet de son écrin, pour paraphraser une jolie formule d’Anne Lopez à propos du fantasme, « écrin de satisfaction » ; et pour l’analyste faire offre de cette place vide dont il pourra se soutenir dans la durée.
Pour cacher et réserver à quelque-uns seulement la contemplation du tableau de Courbet L’Origine du Monde dont il avait la jouissance, Lacan avait demandé au peintre Masson de faire une sorte de tableau-écrin qui masquerait le tableau… Ce n’est donc pas, pour inaugurer cette nouvelle année, en se référant à l’immonde mais à L’Origine du Monde que cette fois Claude Léger a rédigé sa chronique.
Anita Izcovich, enfin, nous invite à aller voir les têtes composées et les portraits anthropomorphes à l’exposition Arcimboldo au musée du Sénat à Paris. Comme avec Joyce, il s’agit là aussi de la dérision du signifiant, car ce que ces tableaux nous invitent à voir, c’est qu’au-delà de ces portraits, de ces masques, il n’y a rien.
Bonne lecture et bonne année à tous.
Sommaire
Cathy Barnier : Introduction
Autour de l’objet a
Interventions aux journées de novembre 2006 :
L’objet a de Lacan : incidences cliniques, conséquences techniques
Claire Harmand : Tout tourne autour de l’objet a
Marcel Ventura : Du vide au manque
Anne Meunier : Transition de l’objet
Séminaire École 2007-2008
Variations sur le symptôme
Marc Strauss : Joyce le symptôme
Travaux des cartels
Anne Lopez : Le psychanalyste dans la durée : comment se soutient-il dans sa position ? Quid du fantasme ?
Textes d’introduction au 5e rendez-vous de l’Internationale des Forums-École de psychanalyse des Forums du Champ lacanien :
Les temps du sujet de l’inconscient
Colette Soler : La psychanalyse dans son temps et le temps dans la psychanalyse
Dominique Fingermann : Les temps du sujet de l’inconscient
Chroniques
Des nouvelles de l’origine du monde
Claude Léger : De L’Origine du Monde
Regards
Anita Izcovich : Masque et identité chez Arcimboldo