Introduction
Par Olivia Dauverchain
Le Mensuel commence ce mois-ci la publication des interventions au séminaire Champ lacanien, tenues à l’École de psychanalyse du champ lacanien, à Paris. On trouvera deux textes, celui de Jean- Jacques Gorog et celui de Frédéric Pellion.
Jean-Jacques Gorog rappelle que chez Lacan « la question de la transparence est presque lancinante, parce qu’elle traite de ce qui distingue, quant au sujet, la psychanalyse de la philosophie ». Mais ici, l’auteur met cette question de la transparence en tension avec le malaise de la civilisation, dont une des formes est « l’exigence de la transparence », la problématique du « qu’on dise tout », qui occulte l’affirmation de Lacan selon laquelle « l’usage de la parole semble avoir pour fin de les déguiser [les intentions véritables] ».
Frédéric Pellion s’intéresse également à une question de « malaise », dans le droit cette fois-ci, pour souligner le passage du droit positif (la loi interdit de… ) à la norme, qui définit non pas un interdit mais un idéal et qui ne « réfère pas à un acte du sujet […] mais plutôt à une “privation” d’être ». Cela ne manque pas d’interroger le psychanalyste de façon nouvelle.
Ce numéro 41 du Mensuel continue la publication, commencée dans le numéro précédent, des textes des interventions aux journées « Le champ lacanien et le psychanalyste ».
Maria Domenica Padula interroge le concept freudien de l’Es au regard de celui, lacanien, de réel. Elle propose que « dans cette alternance langage de l’Es-silence de l’Es s’insère l’éthique de la psychanalyse ».
Isabelle Cholloux pose sa « question en termes de symptôme, de jouissance et d’objet » et rappelle que « la psychanalyse trouve sa fonction de symptôme dans le malaise de son époque ». Elle nous incite à considérer la particularité de la psychanalyse « qui à la différence des autres discours inclut le sujet ».
Quant à Zoé Frangopoulos, elle déploie un cas clinique où elle montre que « l’analyste […] par son acte cherche à donner l’occasion au sujet d’articuler le signifiant de la vérité de la jouissance de son symptôme, pour faire quelque chose avec, […] d’utile pour lui et son rapport aux autres. Il ne se cantonne pas à répéter le savoir déjà élaboré par d’autres, mais en fait une invention ».
Le texte de Frédérique Decoin pose la nécessité de l’hystérisation du discours comme « condition de l’entrée de tout sujet en analyse », « règle du jeu », et explicite son propos grâce à un cas clinique éclairant, à travers des rêves, cette hystérisation qui « montre ».
Claire Parada, dans le texte suivant, nous parle d’une jeune femme dont elle repère les changements de position subjective et les « vicissitudes de la féminité » orientées « vers le champ […] d’un audelà du phallus qui échappe à la fonction phallique ».
Colette Lethier, dans un beau travail sur Mark Rothko, rend sensible non seulement la matérialité de la peinture dont elle parle mais également ce qui dans le tableau est absence, vide, silence. « L’oeuvre vient s’apposer sur le plan vide de l’objet primordial perdu pour fournir l’illusion passagère de retrouvailles impossibles. » Et interpelle la psychanalyse, par la « jouissance incontrôlable ou [le peintre] perd pied avec la réalité ».
Enfin, nous trouverons ici l’intervention finale à ces journées sur le champ lacanien par Marc Strauss, qui clôt mais ne clôture pas – au sens de délimite – ce moment de travail en notant que ce champ lacanien, « nous ne le saisissons que pas tout entier […] par bouts ». La singularité de son abord se montre pour chacun dans « les intérêts, les goûts, le style ».
La nouvelle rubrique « Réseau enfant et psychanalyse » accueille dans ce numéro le travail de Joëlle Hubert, qui explore un des fondamentaux de la psychanalyse avec les enfants, l’OEdipe de la fille, à partir de l’oeuvre de Freud relue avec les avancées de Lacan et l’apport de Colette Soler à la question de la sexualité féminine.
Et nous trouvons en fin de numéro, toujours avec le même plaisir jubilatoire, la « chronique de l’immonde » de Claude Léger, qui évoque ici la « géolocalisation des préjugés », qu’il repère aussi au plus haut niveau de l’État… sans oublier une étude britannique de plus sur une corrélation surréaliste entre QI et qualité du sperme. On l’aura constaté une fois encore avec ce numéro 41 du Mensuel, les psychanalystes ont à coeur de « rejoindre la subjectivité de l’époque », selon le voeu de Lacan.
Sommaire
Olivia Dauverchain : Introduction
Séminaire Champ lacanien 2008-2009 : La psychanalyse appliquée au malaise contemporain
- Jean-Jacques Gorog : Passion de la transparence et autres illusions
- Frédéric Pellion : Malaise dans le droit
Le champ lacanien et le psychanalyste : Journées des 22 et 23 novembre 2008
- Maria Domenica Padula : L’Es et le réel
- Isabelle Cholloux : Particularité de la psychanalyse et singularité du sujet
- Zoé Frangopoulos : Traiter l’intraitable, transmettre l’impossible…
- Frédérique Decoin : La règle du jeu
- Claire Parada : Aglaé ou les vicissitudes de la féminité – Changement de séquence dans une analyse
- Colette Lethier : Les champs lumineux de Mark Rothko
- Marc Strauss : Clôture des journées
REP : Réseau enfants et psychanalyse
Chronique
Des nouvelles de l’« immonde » n° 19