Mensuel 042 – Avril 2009

Introduction

Par Carlos Guevara

La majorité des contributions de ce numéro viennent faire écho à des points fondamentaux soulevés par Lacan dans les textes dits institutionnels : d’une part, les conditions nécessaires à la formation de l’analyste dans une école de psychanalyse, et, d’autre part, les moyens par lesquels les analystes engagent leur travail dans cette École, à savoir le cartel.

La première partie de ce numéro regroupe trois textes présentés au séminaire École ; trois interventions sur la question du contrôle, question posée par Lacan dès l’« Acte de fondation » de l’École en 1964 comme centrale à son existence : « Ceux qui viendront dans cette École s’engageront à remplir une tâche soumise à un contrôle interne et externe. Ils sont assurés en échange que rien ne sera épargné pour que tout ce qu’ils feront de valable, ait le retentissement qu’il mérite, et à la place qui conviendra 1. »

Ensuite, la deuxième partie nous permet de découvrir ou redécouvrir les textes des interventions de la soirée des cartels du 27 janvier qui a porté sur le thème des « Formations de l’inconscient ». Rappelons-nous que dans le même « Acte de fondation » Lacan nous indique qu’« on s’engage  […] dans l’École par deux accès […] : le groupe constitué par choix mutuel selon l’acte de fondation et qui s’appellera un cartel, se présente à mon agrément avec le titre du travail que chacun entend y poursuivre 2 ». Michel Bousseyroux, avec son texte « Le contrôle au lieu de la passe », nous livre généreusement les coordonnées historiques qui permettent de suivre l’élaboration conceptuelle de la question du contrôle dans les institutions psychanalytiques. Il nous éclaire sur la particularité de la position lacanienne du contrôle et met en relief que le contrôle s’impose « d’abord pour protéger celui qui y vient en position de patient ». Le contrôle n’a pas pour Lacan à garantir l’analyste mais à protéger l’analysant. L’intervention de Françoise Josselin, « Le désir de l’analyste implique la contribution au savoir », vient en parfaite complémentarité avec le texte précédent avec une étude sur les déviations que la question du contrôle a produites dans l’histoire du mouvement psychanalytique, l’exemple du Quatrième groupe étant exemplaire à cet égard. Elle rappelle que le savoir du psychanalyste oscille paradoxalement entre le savoir de l’impuissance et le savoir de l’impossible, c’est un savoir sur l’acte analytique visé dans le dispositif de la passe. Elle nous indique la distinction qu’opère Lacan, pour qui, dans la passe, il ne s’agit nullement d’analyser le désir d’être analyste mais le désir de l’être, psychanalyste, soit s’il y a du psychanalyste. Sol Aparicio, dans « Le contrôle s’impose (au praticien) », continue le dialogue déjà entamé dans les articles précédents. Elle nous propose de questionner la nécessité, voire la pertinence « pour nous » du contrôle ; elle souligne la différence fondamentale entre un contrôle qui s’impose – pour Lacan – et un contrôle qui est imposé. Son intervention explore les ressorts logiques de la proposition lacanienne et sa cohérence avec le principe selon lequel un analyste ne s’autorise que de lui-même (et de quelques autres) ; alors, le contrôle qui s’impose relève d’une nécessité qui doit être à la fois logique et éthique. Raison éthique qu’elle énonce comme « un devoir de bien lire ce qui est dit dans ce qui s’entend ». En ce qui concerne la production des cartels, notre responsable des cartels Patricia Dahan et notre présidente Anita Izcovich mettent en valeur l’importance du cartel dans notre École, la richesse et l’enthousiasme de ce travail et l’échange productif lors des soirées qui lui sont consacrées. Elles reviennent sur les principes fondamentaux du travail du cartel et sa finalité : celle du travail de chacun circulant grâce au transfert de travail permis par l’École, puisque l’enseignement de la psychanalyse ne peut se transmettre d’un sujet à l’autre que par les voies d’un transfert de travail, ainsi que Lacan nous le dit, encore, dans l’« Acte de fondation ». Martine Delorme, dans son exposé « À l’ombre de la loi », s’intéresse à la fonction de la loi primordiale de l’oedipe dans la névrose et à l’opération que le sujet névrosé en fait, entre soumission et tentative de la masquer. La castration dans son statut d’opération symbolique se trouve à la base des formations de l’inconscient. Marie-Estelle Humbert, avec « Les formations de l’inconscient : usages et finalités structurales », s’attelle à situer le concept de désir chez Lacan et, avec lui, à établir les différences structurelles entre psychoses et névroses quant à la place du désir inconscient. Olga Medina s’intéresse aussi à la distinction structurale des névroses et des psychoses, mettant en tension une formation de l’inconscient, le lapsus, avec la formation de néologismes propre à la psychose, avec l’appui du fameux exemple freudien du « famillionnaire », ainsi qu’avec des exemples cliniques. Elle attire notre attention sur l’approche particulière de la psychose.

Le Mensuel, qui a ouvert une nouvelle place aux productions du Réseau enfants et psychanalyse, nous permet de prendre acte des travaux de nos collègues dans la clinique et les institutions pour enfants. Miyuki Oishi nous présente un texte intéressant dans lequel elle interroge le ressort de la violence chez les enfants, mais aussi la violence institutionnelle, la violence du travail dans l’institution. Le désir maternel apparaît comme le fil conducteur de son travail conceptuel et comme le ressort de cette violence : deux cas de sa pratique clinique en attestent. Elle questionne la place de l’analyste dans cette configuration, une réponse se dégageant dans la direction de la cure, fonction de tiers séparateur, le bâton dans la gueule ouverte de ce crocodile qui représente pour Lacan le désir maternel. Son travail atteste du désir d’interroger sa position et son acte, et par là de tenter une élaboration de son expérience clinique.

Pour finir en beauté, si je peux me permettre, Claude Léger nous fait cadeau de sa dernière nouvelle de l’immonde, avec la délicatesse et la grâce dont il est le seul à connaître le secret. Il s’agit cette fois-ci de la crise de la poésie.

Que le Mensuel puisse continuer à offrir, au sein de notre École, une place convenable au travail, toujours en progrès, pour qu’ainsi nous analystes, « rhinocéros » ou confirmés, puissions trouver une façon de se déplacer dans le champ psychanalytique.

Sommaire

Pdf complet du Mensuel

Carlos Guevara: Introduction

Séminaire École 2008-2009 – L’acte analytique, le contrôle et la formation de l’analyste

Travaux des cartels 2009 : Les formations de l’inconscient

REP : Réseau enfants et psychanalyse

Chronique: Des nouvelles de l’« immonde » n° 20