Introduction
Par Irène Ochoa de los Rios-Houssin
En tête de ce numéro du Mensuel, figurent trois interventions du séminaire École 2008-2009. Sidi Askofaré explore la question de l’orientation du contrôle dans notre École. On le sait, le contrôle a été orienté par d’autres instituts de formation d’analystes dans la logique du discours universitaire. Mais Lacan, en 1971, renverse une telle conception : « Le contrôle n’est pas lié au moment où l’analyste ou l’analysant est autorisé ou s’autorise à la pratique de la psychanalyse [>…] il s’associe davantage à l’expérience et sur la base d’un constat […] que la psychanalyse ait des effets sur toute la pratique du sujet qui s’y engage. » S’appuyant sur ce propos, Sidi Askofaré ajoute donc que le contrôle « comme “contrôle de l’acte” et fonction de relance du désir de l’analyste s’impose d’autant plus comme contrôle d’École et se diversifie dans ses formes ». Quant à Jean-Jacques Gorog, il homologue l’acte analytique et le dispositif du contrôle avec celui de la passe en relevant la place troisième, celle qui structure le mot d’esprit freudien. Il souligne que le truchement de la parole, essentiel à la structure analytique, permet de vérifier l’inexistence de l’Autre. Façon de combattre l’idée d’une relation duelle dans la relation analytique, pour constater plutôt que « l’analyse consiste précisément à distinguer la personne étendue sur le divan analytique de celle qui parle. Ce qui fait déjà avec celle qui écoute trois personnes présentes ». Mais cette situation « n’est pas à trois, mais bien à quatre, le rôle du mort comme au bridge étant toujours de la partie ». Découle du développement de Jean-Jacques Gorog, entre autres, un enseignement sur la non-compréhension lors de l’acte analytique puisque « c’est sur la base d’un certain refus de compréhension que nous poussons la porte de la compréhension analytique ». Françoise Lespinasse reprend la question de la formation de l’analyste, en se demandant si l’invention de la passe est formatrice, si la passe a des effets sur celui que s’y risque, en incluant son rapport à l’École. À ce propos, elle développe l’idée suivante de Lacan : de l’invention de la passe pouvait ressortir un savoir qui devait intéresser quiconque s’interroge sur la formation de l’analyste, sur le passage à l’analyste et sur l’acte analytique. Françoise Lespinasse finira pour faire un parallèle entre ce temps dans la terminaison de la cure où l’analysant laisse s’évanouir l’analyste dans le desêtre, rebut, et ce qui se passe dans la procédure de la passe concernant l’École.
Deux textes, celui d’Evelyne Hurtado sur la répétition et celui d’Isabelle Boudin sur le transfert et l’adolescence, sont issus d’un travail en cartel. Celui d’Evelyne Hurtado retrace les différents moments d’élaboration du concept de répétition chez Freud et chez Lacan pour avancer l’idée que la répétition est le destin du sujet et aussi une voie d’accès à son désir. Isabelle Boudin, à partir d’un cas clinique, explore la question du transfert face à l’adolescence. La lycéenne dont elle nous parle montre une transformation d’amour en haine vers l’analyste. « Hainamoration », explique Isabelle Boudin, qui sert encore plus d’obturateur à une ouverture de l’inconscient et à maintenir l’objet supposé savoir à distance.
Maria Vitoria Bittencourt, dans son texte intitulé « L’inconscient : travailleur idéal », interroge l’interprétation du rêve hors transfert. D’une part, Freud et Lacan conçoivent le récit du rêve comme la mise en scène au travail de l’inconscient qui se réalise à partir de l’implication de la présence de l’analyste, d’autre part, Freud démontre comment le travail du rêve a pour fonction de préserver le sommeil. Le travail témoigne d’une activité d’élaboration destinée à éviter la rencontre avec le réel. À partir de ces énoncés, Maria Vitoria Bittencourt nous fait la proposition suivante : « Plutôt qu’interpréter le rêve, ne faudrait-il pas penser à réveiller le sujet ? »
Colette Soler traite la question de la production de l’analyste hors de toute formation. Elle s’appuie sur Lacan pour nous indiquer qu’il y a non pas de formation de l’analyste, mais des formations de l’inconscient. En déduisant, d’une part, un savoir de l’inconscient déposé par l’expérience de l’analyse et, d’autre part, le savoir de la structure, c’est-à-dire de la doctrine ou de la théorie. L’effet didactique désigne un savoir que le sujet a appris sur sa souffrance. Colette Soler reconnaît la place que l’ignorance a dans la formation de l’analyste, c’est ce que Lacan vise : « Se mettre en position d’analysant, pour pouvoir prendre l’ignorance à la place de la cause ». « Le vecteur de l’ignorance vers le savoir fait fonction de désir de savoir, et le désir, comme on sait, c’est contagieux, ça se transmet. » Elle insiste sur les propos de Freud et de Lacan sur le savoir qui ne se prête pas au concept, et qui ne cesse pas de dépasser le sujet, ce qu’aucun analysant ne peut manquer d’apprendre pour peu qu’il pousse assez loin le processus.
L’auteur de notre chronique mensuelle s’est apparemment couché après minuit, en suivant son désir et malgré le danger qu’encouraient ses artères. Non sans une certain ironie, Claude Léger, en se rapportant au dernier congrès de l’American College of Cardiology, met en exergue l’hygiène de vie proposée par les neurosciences et par notre monde sécuritaire en nous démontrant à quel point le sujet de l’inconscient est aboli, « le sujet étant plutôt celui qui a des électrodes implantés dans l’hippocampe ».
Sommaire
Irène Ochoa de los Rios-Houssin : Introduction
Séminaire École 2008-2009 – L’acte analytique, le contrôle et la formation de l’analyste
Sidi Askofaré : Quelle doctrine du contrôle ?
Jean-Jacques Gorog : La dritte Person
Françoise Lespinasse : Une formation orientée par la passe
Travaux des cartels
Evelyne Hurtado : La répétition de Freud à Lacan « Répéter : destin du sujet et voie du désir »
Isabelle Boudin : Transfert et adolescence « L… a mis les pensées derrière une porte et a perdu la clé et la porte… »
Autres textes
Maria Vitoria Bittencourt : L’inconscient : travailleur idéal
Colette Soler : « Ce que la psychanalyse enseigne »
Chronique
Des nouvelles de l’« immonde » n° 22
Claude Léger : De l’âge de ses artères