Mensuel 045 Octobre 2009

Introduction

Par Nadine Naïtali

Dans ce numéro de rentrée, nous trouverons d’abord des textes préparatoires aux journées de décembre 2009, où il va être question de Dieu.

Deux textes du séminaire du Champ lacanien aborderont ensuite le « Malaise contemporain » en s’appuyant tout particulièrement sur celui qui précède le psychanalyste, l’artiste qui lui fraie la voie.

Enfin, nous ouvrirons une nouvelle rubrique : « Réseau institution et psychanalyse » (RIP), qui témoigne d’une vocation de notre communauté de travail à se connecter aux pratiques institutionnelles et à les interroger.

C’est avec le titre de « Prélude » que la commission scientifique a choisi de donner le ton des prochaines journées… Les quatre préludes décrivent, chacun à leur façon, une partition qui contribue à introduire le thème proposé : « Psychanalyse et religion » et qui met au travail, de façon rigoureuse, les trois sous-thèmes qui accompagnent ce titre : « Les Dieux de Freud et de Lacan », « Dieu est inconscient » et « La psychanalyse est-elle athée ? ».

Des « Dieux » à « athée », il y a « Dieu est inconscient ». Cette affirmation forte de Lacan pose que « l’hypothèse Dieu […] est appelée, produite par la structure », comme le rappelle Colette Soler dans l’argument. Les différents textes mettent en évidence que le chemin parcouru par la psychanalyse sur la religion depuis Freud jusqu’aux dernières avancées de Lacan ont des conséquences majeures dans notre champ. Ils nous conduisent à questionner à la fois ce qui est du côté de l’analyse, de sa direction et de sa fin et par conséquent la position du psychanalyste, cette position « intenable » dont parlait Lacan. Car l’analyste s’occupe de ce qui ne marche pas, du réel, du « Dieu dans son trou », pour reprendre le titre de Michel Bousseyroux. L’hypothèse Dieu rencontre-t-elle la découverte d’un savoir sans sujet ?

L’analysant, en faisant « un acte de foi irréductible, la foi faite au sujet supposé savoir, condition du transfert », comme le souligne Sol Aparicio, expérimente dans sa cure comme « une traversée de la religion », avance Sidi Askofaré. En rencontrant les Dieux de Freud et de Lacan, l’analysant ne sait pas qu’il va rencontrer un savoir inédit. La cure conduit-elle un sujet à devenir un « athée viable », « quelqu’un qui ne se contredise pas à tout bout de champ » ? Cet athéisme ne laisse pas indemnes la psychanalyse et le psychanalyste, car cette visée ne semble pas aller de soi. La question de la passe et de l’École peut être ici convoquée.

Le texte de Solal Rabinovitch, en s’appuyant sur l’ouvrage de François Balmès, Dieu, le sexe et la vérité, apporte un éclairage sur ce qui précède. Elle décline avec précision les différents noms de Dieu et en relève les conséquences sur l’athéisme. Jacques Adam, dans la présentation de cette intervention, ouvre des pistes comme celles de la jouissance et du réel pour penser logiquement la question complexe de l’athéisme et de Dieu. Dans son prélude, il souligne que « rien ne garantit la chute de la croyance en un sujet supposé savoir », c’est pourquoi le « Réel » peut à son tour devenir un « dieu-à-toutfaire du discours psychanalytique ».

En choisissant des références à l’art, notamment au théâtre et à la littérature, Claude Léger dans le texte « Au quatrième acte » explore l’œuvre de Lacan de façon enthousiaste. Il montre que la psychanalyse n’est ni vieillissante ni orpheline… et il ne se laisse pas enfermer dans le malaise de notre temps… la recherche constante de Lacan pour saisir et transmette quelque chose de « la jouissance propre au symptôme », de la structure réduite à des ronds de ficelle en est le témoin. Les citations de l’auteur en référence à Joyce : un vrai catholique est inanalysable, le désabonnement de Joyce à l’inconscient, la sainteté de l’analyste… sont autant de formules qui permettent de penser encore une fois que « Dieu n’a pas encore fait son exit 1 », que l’artiste vise le vrai trou.

Le texte de Claire Christien-Prouet, dédié à Christian Desmoulin et auquel elle fait référence, poursuit en ce sens. « Écrire comme acte », telle est la couleur que l’auteur donne à son texte. Elle déplie de façon très personnelle et minutieuse la question épineuse du racisme, malaise dans la civilisation qui ne date pas d’hier. À partir de textes littéraires et politiques, elle nous invite à penser l’acte et le discours racistes.

C’est Martine Fourré qui inaugure la nouvelle rubrique, présentée par Jean-Pierre Drapier, responsable du RIP, avec un texte relatif au travail social ; texte qui est le fruit d’une longue expérience sur le terrain et de nombreux échanges pluridisciplinaires. Elle rappelle le contexte historique des institutions médico-sociales, questionne le concept de « réalité » et la pratique sociale au regard de la psychanalyse et du psychanalyste. Son éclairage est propice au débat dans ce nouvel espace de travail.

Quant à la chronique « Des nouvelles de l’“immonde” » qui clôt le Mensuel, ne suggère-t-elle pas que les différentes études scientifiques sur le cerveau tentent de localiser et de traquer un Dieu-Un jusque dans l’hippocampe ?

Bonne lecture.

1. J. Lacan, Le Séminaire, Livre XX, Encore, Paris, Seuil, 1975, p. 78.

Sommaire

PDF complet du Mensuel

Nadine Naïtali : Introduction

Séminaire Champ lacanien 2008-2009 – La psychanalyse appliquée au malaise contemporain

Journées nationales de l’EPFCL-France de décembre 2009 « Psychanalyse et religion »
Textes d’introduction

 

RIP: Réseau institution et psychanalyse

Chronique
Des nouvelles de l’« immonde » n° 23